Emotions au chateau de Bussy-Rabutin
Quand les pierres conservent leur histoire malgré le passage des siècles
Ce n’est pas tous les jours qu’un lieu historique inspire de grandes emotions. C’était peut-être à cause de la pleine lune, ou alors, le guide qui racontait l’histoire était tout simplement très doué.
J’avais planté l’année dernière un petit drapeau dans mon Google Maps sur un chateau à visiter, mais j’étais passée trop loin pour m’y arrêter cet hiver. Voilà qu’il s’est retrouvé sur ma route, et cette fois, je ne l’ai pas manqué. C’était aussi bien comme ça : une grande renovation vient de s’y parachever ce mois d’Avril - ça sentait encore d’ailleurs la colle et la boiserie fraiche, mmmm !
Attention: je vais parsemer mon histoire de citations de la plume de Roger de Bussy Rabutin lui-même.
Par la lumière éclatante de ce début de juin, le petit chateau m’est apparu joyeusement planté parmi ses jardins à la française, entouré de parterres de fleurs multicolores, surplombant sa vallée bourguignonne face au joli village de Bussy-le-Grand. Quel havre de paix ! Que les seigneurs qui l’ont bâti devaient s’y sentir bien !
“Que les apparences soient belles car on ne juge que par elles.”
Et puis son histoire me fut révélée. Passons la chronologie de sa construction, et arrêtons-nous en 1666, avec Roger de Bussy-Rabutin. Celui-ci était un grand militaire sous Louis XIV, mais aussi une plume d’esprit dans les salons de Paris, galant parmi les femmes. A cette époque, les intrigues amoureuses ne manquent pas. Lui-meme avait une maitresse, aimée passionnément depuis une douzaine d’années, la marquise de Montglas, femme mariée, mais lui aussi l’était.
“Quand on n'aime pas trop, on n'aime pas assez.”
Il lui écrivit un recueil d’histoires coquines moquant et mettant à nu les grands de la cour du roi. Ce texte fut, par la main de sa dame, à son insu partagé avec une autre, dépourvue de scrupules, puis publié, avant de tomber dans celles mêmes du roi. Et le souverain qu’il aimait tant, fou furieux, l’embastilla toute une année avant de l’exiler dans son petit chateau de Bussy. Madame son amante se dissocia tout de suite de lui, lui brisant le cœur par un coup de sa plume. Et le voilà tout seul au chateau, isolé du monde de la cour, dépouillé de ses charges militaires, et abandonné par sa belle.
“L'absence ne tue l'amour que s'il est malade au départ.”
Pendant dix-sept ans il plaida sa cause auprès du roi, qui ne démordra pas. Pendant dix-sept ans il ragea, et noya sa nostalgie et sa rancœur en décorant les murs des pièces de son chateau. Il s’entoura de quelques centaines de portraits d’hommes qu’il admirait, de généalogie royale et familiale, mais aussi de femmes - amantes royales, amies, famille. Il y ajouta des peintures d’illustres chateaux, un peu comme un album de ses souvenirs. Et aussi, il fit peindre des “devises”, images satiriques bordées d’une explication en latin ou français, illustrant les sentiments de son cœur, un peu comme une bande dessinée.
“Il est donc vrai que l'espérance est le seul bien de ceux qui n'en ont plus.”
Vous connaissez peut-être sa cousine, Madame de Sevigné ? Tout jeune, sa main lui fut refusée par sa famille, mais ils se fréquentèrent souvent dans les salons de Paris. Ils eurent chacun une famille, elle perdit son mari, puis plus tard, il fut exilé, et elle était beaucoup chez sa fille à Grignan. Elle aimait beaucoup séduire les grands hommes par son esprit, puis refroidir leur ardeur dès qu’ils s’avouaient vaincus. Il aimait justement cette torture délicieuse, et ils s’écrivirent jusqu’à la fin de leurs jours.
“L'absence est à l'amour ce qu'est au feu le vent : il éteint le petit, il allume le grand.”
Louis XIV fini bien par le laisser revenir à la cour, un jour, pour assister à son lever du lit… mais rien n’était plus pareil, tout le monde avait changé, les mœurs et les codes évolués… trop tard pour Roger de Bussy-Rabutin.
“Pour parler franchement, j'aime mieux avoir été moins heureux que d'être mort jeune.”
Les murs du chateau semblaient contenir encore toutes ces emotions, trois cent cinquante ans plus tard… Je suis passée de la fraicheur intérieure aux jardins merveilleux toute remuée de ces sentiments. Le coassement des crapauds dans le bassin, le bruissement regulier du passage de l’eau dans les petits caniveaux, et puis, en pente douce sur le versant de la colline, le long chemin sinueux et fragrant du labyrinthe en haies de buis a doucement contribué à me recentrer avant que je ne reprenne la route.
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